Indemnités aux prud'hommes

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Gagner aux prud'hommes

Comme tout tribunal, le conseil des prud'hommes prononce des condamnations qui se présentent majoritairement sous la forme d'obligations de faire ou d'obligations de payer.

Dans la plupart des cas, gagner aux prud'hommes signifie obtenir la condamnation d'un adversaire au procès, souvent lors d'un litige salarié/employeur.

Ce risque de condamnation ne concerne pas uniquement les employeurs : un salarié peut très bien être (aussi) condamné par un conseil de prud'hommes.

Il existe plusieurs types de condamnation avec des effets différents, mais, dans la majorité des cas, la condamnation prend la forme soit d'une obligation de faire, soit d'une obligation de payer.

Gagner aux prud'hommes : employeur ou salarié

Contrairement à une idée reçue, le conseil de prud'hommes n'est pas un tribunal servant à condamner uniquement les employeurs : il peut aussi débouter voire condamner un salarié.

La majorité des demandes présentées devant les conseils de prud'hommes émanant des salariés, l'habitude est de croire que les condamnations prud'homales ne concernent que les employeurs (indélicats).

Ceci n'est qu'une idée reçue : des salariés peuvent aussi connaître la sanction d'une décision prud'homale défavorable qui, au mieux les déboute (= rejet de leur demande), au pire les condamne.

Les hypothèses de condamnation de salariés découlent principalement de deux situations :

  • non-respect d'une obligation (légale, contractuelle, conventionnelle ou transactionnelle) causant un préjudice à l'employeur que le salarié est tenu de réparer ;

Exemple : non-respect d'une obligation de non-concurrence.

  • mise en cause de la responsabilité civile (financière) du salarié.

Exemple : participation à une grève avec violence et dégradation et atteinte aux biens appartenant à l'entreprise.

Indemnités aux prud'hommes : condamnations permettant de gagner aux prud'hommes

Voici les différents types de condamnations pouvant être prononcées par le conseil de prud'hommes.

Obligation « d'avoir à faire ou accomplir »

Remise de documents sociaux

Un employeur peut être contraint de délivrer au salarié certains documents dont la remise est obligatoire : bulletin de salaire, certificat de travail, attestation Pôle emploi, etc.

La condamnation peut être assortie d'une astreinte, c'est-à-dire l'obligation de verser une certaine somme d'argent, généralement par jour, au salarié tant que la remise n'est pas effectuée.

Production forcée de pièces et preuves

Une partie au procès détenant des pièces et/ou preuves permettant la manifestation de la vérité peut être obligée de les communiquer sur décision du conseil de prud'hommes saisi par l'autre partie. La condamnation peut être assortie d'une astreinte.

Respect d'une clause de non-concurrence

Un salarié lié par une clause de non-concurrence et passé au service d'un nouvel employeur peut être contraint de la respecter en démissionnant. La condamnation peut être assortie d'une astreinte.

Réintégration de salarié

Un employeur peut être contraint de réintégrer un salarié licencié à tort.

Exemple : une femme licenciée alors qu'elle est en congé de maternité. Dans ce cas, si la salariée demande sa réintégration après prononciation de la nullité de son licenciement, elle bénéficie d'une indemnité égale au montant de la rémunération qu'elle aurait dû percevoir entre la date de son éviction de l'entreprise et celle de sa réintégration, sans déduction des revenus de remplacement dont elle a éventuellement pu bénéficier au cours de cette période (Cass. soc., 29 janvier 2020, n° 18-21.862).

La condamnation peut être assortie d'une astreinte.

Application d'une disposition légale, contractuelle ou transactionnelle et application d'une convention ou d'un accord collectif

Un employeur peut être contraint d'accorder un nouvel avantage, d'appliquer un nouveau calcul, etc. en application d'une convention ou d'un accord collectif.

Exemple : application d'une méthode de calcul de l'ancienneté.

Le salarié peut être contraint de restituer le matériel de l'entreprise.

Exemple : restitution d'un véhicule de fonction, d'un téléphone.

La condamnation peut être assortie d'une astreinte.

Annulation de décisions patronales

Sanction

Une sanction (autre qu'un licenciement) peut être annulée si elle est injustifiée et/ou disproportionnée et/ou non (ou mal) motivée et/ou discriminatoire et/ou reposant sur des preuves illégales. Une sanction annulée est réputée n'avoir jamais existé et tous ses effets sont annulés.

Dispositif de surveillance

Un employeur peut être contraint de retirer un dispositif de surveillance de ses salariés au travail si certaines conditions ne sont pas remplies.

Exemple : retrait d'un dispositif de vidéosurveillance mis en place sans information ni avertissement.

La condamnation peut être assortie d'une astreinte.

Décision discriminatoire

Un employeur peut être contraint de revenir sur une décision discriminatoire.

Exemple : annulation de la mutation d'un salarié dans la mesure où celle-ci est liée à son orientation sexuelle.

La décision annulée est réputée n'avoir jamais existé et tous ses effets sont annulés. La condamnation peut être assortie d'une astreinte.

Refus de congé

Un salarié essuyant un refus illicite de ses congés par son employeur peut saisir le juge prud'homal pour obtenir l'annulation du refus de l'employeur et bénéficier du congé. La condamnation peut être assortie d'une astreinte.

Obligation de payer

Action en paiement de salaires, éléments et accessoires de salaire

Le juge prud'homal peut condamner un employeur n'ayant pas accordé et/ou payé des salaires, primes, gratifications, heures supplémentaires, repos compensateurs, jours de congés ou RTT, indemnités de panier, remboursement de frais, etc. Si le retard est important, la condamnation peut être assortie du paiement d'un intérêt au taux légal ou d'une astreinte.

Action en requalification d'un CDD en CDI

La requalification d'un CDD en CDI peut entraîner pour le salarié le versement de :

  • une indemnité de requalification du contrat s'élevant à 1 mois de salaire au minimum ;
  • éventuellement les indemnités liées à un licenciement (si le salarié n'est plus dans l'entreprise et si l'employeur ne souhaite pas reprendre le salarié) : préavis, indemnité de licenciement, dommages-intérêts pour rupture abusive, etc. ;

La condamnation prud'homale au paiement peut être assortie d'un intérêt au taux légal et d'une astreinte.

Action en contestation d'une rupture anticipée de CDD

L'employeur qui, à tort, rompt un CDD de façon anticipée peut être condamné au paiement :

  • des rémunérations que le salarié aurait perçues si le CDD avait atteint son terme normal ;
  • d'une indemnité de fin de contrat (si pas versée) ;
  • d'un solde d'indemnité compensatrice de congés payés.

Le salarié qui, à tort, rompt un CDD de façon anticipée peut être condamné au paiement de dommages-intérêts. La condamnation prud'homale au paiement peut être assortie d'un intérêt au taux légal et d'une astreinte.

Action en contestation d'un licenciement pour motif personnel

L'employeur qui, à tort, procède à un licenciement pour motif personnel (autre qu'économique) peut être condamné au paiement :

  • d'une indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement s'élevant à 1 mois de salaire au maximum ;
  • d'une indemnité compensatrice de préavis : une semaine à 3 à 6 mois maximum (cadres) ;
  • d'une indemnité de licenciement : son montant ne peut être inférieur à 1/4 de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années jusqu'à 10 ans et à 1/3 de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années à partir de 10 ans (article L. 1234-9 et article R. 1234-2 du Code du travail, tels qu'issus de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 et du décret n° 2017-1398 du 25 septembre 2017), et des dispositions conventionnelles plus avantageuses peuvent s’appliquer ;
  • d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
  • de dommages-intérêts (autres cas que ci-dessus) dont le montant est fixé discrétionnairement par le conseil de prud'hommes ;
  • d'un éventuel solde d'indemnité compensatrice de congés payés.

La condamnation prud'homale au paiement peut être assortie d'un intérêt au taux légal et d'une astreinte.

À noter : un salarié peut demander au conseil de prud'hommes le versement d'une indemnité complémentaire si les circonstances, dans lesquelles le licenciement injustifié est intervenu, sont de nature à lui avoir causé un préjudice distinct de celui provoqué par la perte de son emploi. Cette indemnité spécifique est cumulable avec une éventuelle indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (CA Bastia, 8 novembre 2017, n° 16/00284).

Action en contestation d'un licenciement pour motif économique

L'employeur qui, à tort, procède à un licenciement pour motif économique peut être condamné au paiement :

  • d'une indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement : 1 mois de salaire au maximum (si salarié employé dans une entreprise de plus de 10 salariés et comptant au moins 2 ans d'ancienneté) ;
  • d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
  • de dommages-intérêts dont le montant est fixé discrétionnairement par le conseil de prud'hommes ;
  • d'une indemnité pour nullité du licenciement et non-réintégration (en cas de licenciement collectif avec absence ou insuffisance de plan social) : 12 mois de salaire au minimum.

La condamnation prud'homale au paiement peut être assortie d'un intérêt au taux légal et d'une astreinte.

Action en responsabilité et/ou dédommagement

  • Mise en cause de l'employeur (ex. : harcèlement et préjudice moral) : dommages-intérêts fixés discrétionnairement par le conseil de prud'hommes.
  • Mise en cause du salarié lors de l'exécution du contrat de travail (si faute lourde) : dommages-intérêts fixés discrétionnairement par le conseil de prud'hommes.
  • Mise en cause du salarié après l'exécution du contrat de travail (non-respect d'une clause), sauf si une clause pénale contractuelle fixe un montant plafond : dommages-intérêts fixés discrétionnairement par le conseil de prud'hommes.

La condamnation prud'homale au paiement peut être assortie d'un intérêt au taux légal et d'une astreinte.

Indemnités aux prud'hommes : barème

En règle générale, un salarié en litige avec son employeur, par exemple pour un licenciement abusif, peut décider de saisir le conseil de prud’hommes pour recevoir des indemnités.

Licenciement notifié avant le 24 septembre 2017

Depuis le 26 novembre 2016 et suite au décret n° 2016-1582 du 23 novembre 2016, le juge des prud'hommes peut se référer à un barème pour fixer le montant des indemnités versées par l'employeur. Ce barème fixe le montant des indemnités en fonction de l'ancienneté dans l'entreprise.

La barème prévoit un minimum de 1 mois de salaire (moins de 1 an de présence dans l'entreprise) et jusqu'à 21,5 mois de salaire (à partir de 43 ans de présence). Ce barème est indicatif et peut être pris en compte si les parties le demandent. Les juges restent toutefois libres d'appliquer ou non les indemnités planchers. Des accords collectifs peuvent toutefois prévoir des dispositions plus favorables.

Licenciement notifié à compter du 24 septembre 2017

Les indemnités prud'homales versées en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse sont désormais fixées selon un barème prévoyant un montant minimum et un montant maximum (ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 modifiant l'article L. 1235-3 du Code du travail).

Les montants planchers et les plafonds varient selon l'ancienneté du salarié et la taille de l'entreprise.

À noter : suite aux réserves de plusieurs conseils de prud’hommes ayant refusé d’appliquer ce barème, la Cour de cassation s’est prononcée sur la conventionalité dudit barème, tant au regard de l’article 10 de la convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail que de  l’article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme (avis n° 15012 et 15013 du 17 juillet 2019). La chambre sociale de la Cour de cassation a confirmé cet avis (Cass. soc., 11 mai 2022, n° 21-14.490). 

Bon à savoir : un simulateur mis en ligne par service-public.fr vous permet d’évaluer le montant des dommages et intérêts susceptibles d'être fixés par le juge prud'homal en cas de licenciement abusif, c'est-à-dire sans cause réelle et sérieuse.

Dans une entreprise de 11 salariés ou plus

Ancienneté en années complètes Indemnités minimales en mois de salaires Indemnités maximales en mois de salaires
0 - 1
1 1 2
2 3 3,5
3 3 4
4 3 5
5 3 6
6 3 7
7 3 8
8 3 8
9 3 9
10 3 10
11 3 10,5
12 3 11
13 3 11,5
14 3 12
15 3 13
16 3 13,5
17 3 14
18 3 14,5
19 3 15
20 3 15,5
21 3 16
22 3 16,5
23 3 17
24 3 17,5
25 3 18
26 3 18,5
27 3 19
28 3 19,5
29 3 20
30 et plus 3 20

Dans une entreprise de moins de 11 salariés

Ancienneté en années complètes Indemnités minimales en mois de salaires Indemnités maximales en mois de salaires
0 - 1
1 0,5 2
2 0,5 3,5
3 1 4
4 1 5
5 1,5 6
6 1,5 7
7 2 8
8 2 8
9 2,5 9
10 2,5 10
11 3 10,5
12 3 11
13 3 11,5
14 3 12
15 3 13
16 3 13,5
17 3 14
18 3 14,5
19 3 15
20 3 15,5
21 3 16
22 3 16,5
23 3 17
24 3 17,5
25 3 18
26 3 18,5
27 3 19
28 3 19,5
29 3 20
30 et plus 3 20

Indemnités aux prud'hommes : attention à l'exécution

Pour une condamnation, il faut tenir compte de 2 aspects :

  • nature/portée ;
  • modalités d'exécution de la condamnation.

Certaines condamnations ne sont pas immédiatement exécutoires (effectives). Dans ce cas, l'ordonnance ou le jugement prud'homal existe bien, mais la condamnation prévue est suspendue si la partie qui la conteste utilise une voie de recours ; et fait appel pour tenter d'obtenir l'annulation de la condamnation.

Même si la décision est immédiatement exécutoire malgré un appel, certaines parties récalcitrantes à exécuter la condamnation forcent les parties ayant eu gain de cause à recourir aux services d'un huissier de justice pour obtenir l'exécution et le bénéfice de la condamnation.

Aussi dans la rubrique :

Déroulement de la procédure devant le conseil de prud'hommes

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